Problématiques identitaires et discours de l'exil dans les littératures francophones
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Problématiques identitaires et discours de l'exil dans les littératures francophones

  1. 380 pages
  2. French
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Problématiques identitaires et discours de l'exil dans les littératures francophones

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De quelle manière s'est transformée l'idée d'appartenance à une culture, une nation ou une ethnie particulière? Peut-on encore parler d' « exil » dans le contexte de cultures transnationales et d'identités plurielles? Y a-t-il une écriture de l'exil? Cet ouvrage cherche des réponses à ces questions à travers le regard nouveau que portent les écrivains francophones contemporains sur les problématiques identitaires. Un groupe international d'universitaires s'est penché sur des œuvres d'auteurs francophone d'origines diverses – africaine, antillaise, canadienne, chinoise, maghrébine, libanaise, russe pour n'en citer qu'une partie – pour y interpréter le « discours de l'exil ». Ce qui ressort est une diversité immense mais une constante: l'exil est une mise en perspective qui ouvre la possibilité de constructions identitaires nouvelles et fait de ces littératures francophones un lieu de créations fertile en questionnements.

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Informations

QUATRIÈME PARTIE

L’EXIL EXISTENTIEL

AU TEMPS DU FLEUVE AMOUR D’ANDREÏ MAKINE OU LE DÉSIR D’AILLEURS

Claude Gonfond
L’ici et l’ailleurs, avec leurs multiples interactions et les sentiments qui les expriment, sous-tendent l’œuvre romanesque d’Andreï Makine, et s’inscrivent aussi dans sa vie. Son enfance se déroule en Sibérie orientale où il est né, à Krasnoïarsk, au nord de la Mongolie. Il a fait des études classiques à Moscou, puis a enseigné la philosophie à Nougorod. Plus tard il enseignera à Paris, à l’École normale de la rue d’Ulm et à l’École de sciences politiques. Car en 1987, âgé de trente ans, il émigre en France, où il va connaître d’abord des moments de misère et de solitude. Pour résister, il écrit. En français. Mais c’est surtout la Russie que ses romans mettent en scène, souvent dans ses régions les plus extrêmes, la Sibérie, ou encore les bords de la mer Blanche, et au cours d’une période qui va de la Première Guerre mondiale à nos jours.
Andreï Makine a publié plus de dix romans, actuellement traduits en trente langues, dont Le Testament français1 qui a reçu en 1995 les prix Goncourt et Médicis, ainsi que le Goncourt des Lycéens. Les romans d’Andreï Makine se répondent et créent un monde où réapparaissent des lieux, avec leurs terribles hivers, des thèmes, et aussi des personnages, parfois récurrents (le plus fréquent : l’aïeule française vivant en Russie et qui parle de Paris à ses petits-enfants) non pas à la manière précise d’un Balzac, mais à la manière de souvenirs obsédants, qui se modifient peu à peu. De facture plutôt classique dans leur construction, les romans de Makine se caractérisent par leur intensité, celle des personnages et celle de l’écriture : « Depuis mon premier roman ce qui m’anime, c’est le désir de lutter contre les évidences rationnelles qui nous emprisonnent dans des définitions élaborées, imposées par la société2 ». Parmi les écrivains français, ses préférences vont à Chateaubriand et à Proust.
Deux thèmes principaux accompagnent ses textes : le thème des atrocités dues aux guerres, aux révolutions, à la dictature et le thème de la parole, partie prenante dans l’analyse psychologique de ses personnages. Ils expriment aussi sa constante tendresse pour la langue française. Les échanges interculturels jouent dans ses récits un rôle important mais l’exil y est le plus souvent envisagé de manière négative.

1. UN ROMAN D’APPRENTISSAGE

Au Temps du fleuve Amour3, c’est le temps d’une adolescence, dans un petit village « au fin fond de la Sibérie orientale » dans les dernières années du régime soviétique. Ils sont trois jeunes amis inséparables, presque encore des enfants, ils ont entre 14 et 16 ans. Ils s’affirment par un surnom qui exprime leur personnalité et dont ils ne savent pas que ce sera aussi un destin. Samouraï, l’aîné vigoureux et sportif, mourra plus tard en Amérique du Sud, aux côtés de Che Guevarra. Dimitri, remarquable par sa beauté, est Don Juan ou simplement Juan, appelé sans doute à une superbe vie amoureuse. Outkine, lui, n’a que son prénom, il est celui qui a du mal à suivre car il est difforme et boite, depuis sa terrible chute dans le fleuve ; c’est aussi celui qui veut devenir écrivain. Le texte les suit jusqu’à l’âge adulte, dans un découpage en trois ensembles d’inégale longueur. Le premier ensemble est situé à Svétlaïa, village isolé, pauvre et immobile, lieu qui est minutieusement décrit et étudié. Toute l’adolescence des personnages s’y déroule. Ensuite, Léningrad, lieu de la jeunesse étudiante de Dimitri, est une sorte d’étape rapide. Le texte décrit d’abord un long voyage—12 000 kilomètres—qui ouvre enfin l’horizon et le pays, franchit « ses fleuves géants », perce l’Oural, découvre les villes : Novossibirsk, Moscou. C’est l’éblouissement de la surprise : tout est mis en relief, la beauté des immeubles en « longues enfilades », « la perspective de Nevski », et les musées, avec les grands noms de l’histoire et de la culture : « le trône impérial des Romanov », « l’ombre de Raskolnikoff ». En dernier lieu vient New York, qui représente l’exil. Outkine s’y est installé, et Dimitri vient lui rendre visite, à la suite de la mort de Samouraï. Quatre pages seulement sont consacrées à cette rencontre qui met en scène un seul quartier de New York.
Le roman se construit donc selon un découpage qui associe le temps et le lieu du vécu, c’est-à-dire selon cette figure que Mikhaïl Bakhtine nomme « chronotrope » et qu’il désigne comme une:
[…] catégorie de la forme et du contenu […] Dans le chronotrope de l’art littéraire a lieu la fusion des indices spatiaux et temporels en un tout intelligible et concret. Ici le temps se condense, devient compact, visible pour l’art, tandis que l’espace s’intensifie, s’engouffre dans le mouvement du temps, du sujet, de l’Histoire. Les indices de temps se découvrent dans l’espace, celui-ci est perçu et mesuré d’après le temps4.
Notons que le titre même, Au Temps du fleuve Amour, est déjà un chronotrope ; et que, dans le récit, la disproportion des trois étapes, accompagnée d’une grande diminution des éléments descriptifs, signale le pays d’enfance comme dominante vitale : destiné à être inoubliable, mais aussi peut-être à devenir souffrance, parce que trop intime. D’autre part, l’éloignement progressif, comme programmé, semble dire que l’ailleurs était déjà là au tout début, au cœur de l’être. Ces caractéristiques relèvent peut-être d’un genre, la littérature de l’exil.
La mise en scène du lieu est donc capitale. Passé l’incipit, le roman propose, comme une sorte de préambule obligé, une longue exploration du milieu géographique. D’emblée, la région est présentée en conjonction avec les personnages, et à partir d’un des thèmes majeurs du roman, la beauté : « La beauté était la moindre des préoccupations dans le pays où nous sommes nés, Outkine, moi et les autres […] L’amour aussi s’enracinait mal dans cette contrée austère » (17). L’accent est mis sur le froid qui « semblait ne pas connaître de limites […] dès qu’on fermait les yeux un instant, les cils ne se décollaient plus » (19). La taïga, immense, est omniprésente, sillonnée par les camions de bois et l’obsession de « transporter les mètres cubes prévus par le plan » (18). Trois visions signalent la présence humaine : les vieilles femmes emmitouflées qui médisent de l’institutrice venue d’ailleurs, le village dépeuplé par la guerre—deux dizaines d’isbas qui somnolent—et, tout près, le camp : « un point noir au milieu des neiges infinies » (23).
Une image gigantesque domine ce paysage, celle d’un balancier dont le soleil est le disque. Dans son « va-et-vient titanesque », il projette les hommes d’est en ouest, d’ouest en est, suivant le rythme absurde des guerres et des révolutions. Il balaye l’Empire. C’est le balancier de l’histoire : « Les hommes partaient, les femmes s’habillaient de noir » (22). Puis le balancier s’est arrêté : « On aurait dit que son poids immense s’était embrouillé dans les innombrables rangs de barbelés tendus sur son parcours » (23). L’histoire stagne, le village dépeuplé s’est endormi « dans sa simplicité primitive », refermé sur quelques nouveaux arrivants : « un ancien « koulak » exilé ici pendant la collectivisation en Ukraine, dans les années trente ; la famille de vieux-croyants Klestov qui vivaient dans un isolement féroce » (24). Restent pour le souvenir les ruines d’une église et ces clous rouillés, « gros comme un doigt d’homme » enfoncés dans l’écorce des arbres, les clous des pendus, souvenirs de massacres passés, mais peut-être aussi évocateurs de sévices présents. Ils « se sont hissés depuis de longues années, à la hauteur de deux tailles humaines, suivant la vie lente et majestueuse des cèdres » (21).
Au-delà règne la légende, celle des Cosaques. Arrêtés dans leur course par l’Occident, ils s’étaient rués vers l’est. En passant, ils ont créé ce village et donné naissance au premier Sibérien, enfant aux cheveux blonds, d’une mère Yakoute et d’un père Eurasien. Les personnages des trois adolescents sont annoncés—c’est significatif—dans cette séquence de construction du lieu, au cœur duquel ils ont établi leur « microcosme » (23), un petit univers selon le tracé de l’eau : « Nous connaissions l’endroit, dans un fourré de la taïga, où un ruisseau naissait » (23). Leur univers se limite, dans un rayon de 37 kilomètres, à deux petits villages et la ville lointaine. Au-delà, tout est mystère. La présence de l’eau introduit une dimension symbolique. Pour Gaston Bachelard, l’eau crée « un type d’intimité » et « un type de destin […] dans sa profondeur, l’être humain a le destin de l’eau qui coule […] L’être voué à l’eau est un être de vertige5 ». La vie des personnages sera racontée, à chaque étape, en relation métaphorique avec l’eau.
Dimitri est celui qui a le plus de présence. Son entrée en scène est à la fois spectaculaire et symbolique. Il creuse un tunnel pour sortir de l’isba ensevelie sous la neige. C’est long et difficile. Il a chaud : « mon corps semblait se souvenir de ses nuits prénatales […] C’est à cet instant que ma tête perçait la croûte de la surface neigeuse ! » (28). Dimitri est l’être qui émerge, dans un élan qui libère. Personnage principal d...

Table des matières

  1. Page couverture
  2. Page titre
  3. Copyright
  4. Table des matiéres
  5. Préface : Exil, quel exil ?
  6. Introduction
  7. Première partie : L’exil, le pays et la langue
  8. Deuxième partie : L’exil (post) colonial
  9. Troisième partie : l’exil au féminin
  10. Quatrième partie : L’exil existentiel